Autour de l'inflation, de la monnaie, de la finance mondialisée, ils ont dit ou écrit...
> Jean-Paul FITOUSSI, économiste, directeur de l'OFCE. Dans La politique de l'impuissance, page 43, Arléa, 2005. “Il est en effet beaucoup plus facile de réduire l'inflation que le chômage, et toute politique qui y parvient est réputée courageuse, en raison même des souffrances sociales qu'elle inflige. Pour terrasser l'inflation, il suffit en effet d'augmenter les taux d'intérêt et d'accepter un niveau de chômage élevé. [...] On inventa le concept de NAIRU (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment) pour dire précisément le danger inflationniste que comportait toute tentative de réduction du chômage. En somme, le chômage élevé était un phénomène équilibre ! " Et un peu plus loin, à son interlocuteur qui ajoute " vous êtes en train de dire qu'au fond, obsédé par la lutte contre l'inflation, on a littéralement consenti au chômage ", FITOUSSI répond : " Pis que ça ! On a dans une première phase instrumentalisé le chômage pour combattre l'inflation. Chaque " banquier central " de la planète sait que, dès qu'il augmentent les taux d'intérêt, il met au chômage une partie des catégories les plus vulnérables de la population. " Et la phrase qui dit toute l'hypocrisie, le cynisme et au mieux l'ignorance des discours sur le chômage que ce site vise à dénoncer, mérite d'être écrite en capitales : " NON SEULEMENT IL LE SAIT, MAIS C'EST PRECISEMENT POUR ÇA QU'IL LE FAIT ". > Dans le même ordre d'idée, on peut trouver dans un manuel de cours DALLOZ destiné à des étudiants en écononomie, et plus précisément en économie monétaire, intitulé “Monnaie, Banque, Financement”, un passage qui ne manquera pas de surprendre le “novice” mais qui illustre en détail ce que dénonce FITOUSSI ci-dessus. " Afin de résoudre ce problème de crédibilité, Gordon et Barro (deux économistes, ndlr) envisagent un modèle de construction de réputation [...] Backus et Drifill (deux autres économistes, ndlr) ont alors mis l'accent sur l'attitude des responsables de la politique économique à l'égard de l'inflation : tous prétendront être très hostiles à l'inflation mais seuls le sont réellement ceux qui acceptent un chômage élevé si c'est le prix à payer pour une faible inflation. En acceptant le chômage, les responsables construisent leur réputation car seuls les actes couteux sont convaincants.” Chapitre 5, Page 214. Afin de bien comprendre le sens de ce passage, qui fait appel à quelques notions particulières, j'ai écrit cet article d'explication et de commentaire: Dans ce chapître 5, intitulé " Les fondements des politiques monétaires ", les auteurs abordent la problématique de la Banque Centrale indépendante. Ils rappellent tout d'abord que " depuis une vingtaine d'années, c'est le concept d'indépendance des banques centrales qui inspire l'évolution des structures de décision de ces organismes " (p.213). Notre Banque Centrale Européenne (BCE) en est une illustration. Sans entrer dans les arcanes fort subtiles des discours sur les politiques monétaires, les auteurs expliquent qu'au cours des années 70, les niveaux d'inflation (et l'indexation des salaires sur cette inflation) avaient créé une situation où il était devenu nécessaire de mettre en oeuvre une nouvelle donne pour assurer la stabilité des prix. Le penchant inflationniste des gouvernements, cherchant sous la pression populaire (très forte après 68, ne l'oublions pas) à maintenir le chômage à des niveaux raisonnables, devenait insupportable pour toute une catégorie d'agents économiques, à savoir les investisseurs et les détenteurs de capitaux. L'idée des monétaristes (à nouveau Milton Friedman et ses disciples) fut de retirer des mains des gouvernements le contrôle de la création monétaire, c'est-à-dire la capacité de créer de la monnaie ex-nihilo, à partir de rien, ce que l'on appelle couramment faire tourner la planche à billets. En confiant ce rôle de gardien de la monnaie à une banque centrale réputée indépendante (concept dans les faits plus que douteux : indépendant de quoi et de qui, là est toute la question), et en confiant à cette entité la fonction basique de créer tous les ans un peu plus de monnaie selon une règle fixe et " connue de tous " (par exemple 5% par an), alors on était censé atteindre l'optimum nirvanesque de tout capitaliste : une croissance sans " inflation ", c'est-à-dire des profits qui s'accumulent mais qui ne s'érodent pas... Et c'est là qu'intervient le passage le plus intéressant du fameux manuel pour étudiants en sciences économiques. A mon sens, son prix de 28 euros est tout entier rentabilisé par ce qui suit. Le problème de nos économistes cherchant à promouvoir cette toute nouvelle banque centrale sortie de leur imagination est : comment prouver aux marchés financiers et aux agents économiques qu'elle est bien indépendante au sens où elle ne se laissera pas tenter par les travers inflationnistes qui étaient précisément reprochés aux gouvernements ? Leur réponse tient en un mot : la crédibilité. Une telle banque centrale, nouvellement créée, doit acquérir une crédibilité. Elle doit être crédible dans sa lutte contre la fameuse inflation. Et comment peut-elle devenir crédible ? Eh bien, elle doit se construire une réputation. C'est un peu comme le cow-boy du film. Il devient respecté et crédible grâce à sa réputation de gâchette fine, rapide et précise. Après en avoir descendu quelques uns, sa réputation est faite et tous y réfléchiront à deux fois avant de venir lui chatouiller les narines. Eh bien, figurez-vous, une banque centrale, et notamment son président, incarnant le rôle du " banquier central conservateur " (c'est le nom technique de cette conception actuellement en vogue), c'est un peu comme cette histoire de western. Lisons. " Afin de résoudre ce problème de crédibilité, Gordon et Barro (deux économistes, ndlr) envisagent un modèle de construction de réputation [...] Backus et Drifill (deux autres économistes, ndlr) ont alors mis l'accent sur l'attitude des responsables de la politique économique à l'égard de l'inflation : tous prétendront être très hostiles à l'inflation mais seuls le sont réellement ceux qui acceptent un chômage élevé si c'est le prix à payer pour une faible inflation ". Arrive la phrase qui ferait frémir plus d'un chômeur, d'un salarié, et d'un honnête homme: " EN ACCEPTANT LE CHOMAGE, LES RESPONSABLES CONSTRUISENT LEUR REPUTATION CAR SEULS LES ACTES COUTEUX SONT CONVAINCANTS " . Quand je l'ai lue pour la première fois, cette phrase a résonné dans ma tête de longues minutes. Elle plaçait le point final sur le i de mes intuitions. Voilà donc le modèle qui sous-tendait aujourd'hui nos économies modernes, et l'Europe en particulier, qui possède aujourd'hui, et depuis 1998 , la banque centrale la plus " indépendante " du monde, il faut le rappeler ! En clair, la BCE est actuellement en phase de construction de sa réputation. Elle a, il faut le dire, à sa tête un homme qui a lui déjà une certaine réputation. Jean-Claude TRICHET, actuel président de la BCE, fut auparavant pendant de longues années (celles de la montée du chômage) gouverneur de la Banque de France. J'avais déjà entendu dire à plusieurs reprises que ce monsieur avait sur la conscience au moins deux millions de chômeurs français. A l'époque, je n'avais pas compris. On parlait de politique du franc fort, mais je ne connaissais ni le NAIRU, ni les " règles du jeu " en vigueur dans le métier. Ces deux millions de chômeurs que certains lui imputaient, ce n'était pas en fait le fruit d'une erreur de politique, comme le quidam aurait éventuellement pu le penser. Ces deux millions de chômeurs français étaient manifestement les matériaux de construction de la réputation du monsieur en question en tant que banquier central moderne. Qu'il fut nommé (on ne parle pas d'élection dans ce milieu, c'est de la cooptation bien sentie) nouveau Président de la BCE après ce brillant parcours n'est donc pas un hasard : sa réputation et sa crédibilité passée dans la lutte contre l'inflation parlaient en sa faveur. Les chômeurs allongés sur le sol pouvaient en témoigner. Les colts du cow-boy Trichet luisaient au soleil le jour de sa prise de pouvoir. La noble et respectable institution sise à Francfort ne pouvait que bénéficier des rejaillissements de cette nomination sur sa propre réputation... Réputation auprès de qui au fait ? Mais des marchés, et principalement des marchés financiers, pardi... On apprend décidément des choses fort intéressantes en ouvrant certains ouvrages destinés à la formation économique d'une partie de nos “experts”... Guillaume de BASKERVILLE >> Jean Peyrelevade, Le capitalisme total, la République des idées, Seuil, 2005. Ancien président de Suez, d'UAP, du Crédit Lyonnais, lâché par l'Etat dans la négociation autour de l'affaire "Executive Life", il est le seul à être encore poursuivi aux Etats-Unis avec une inculpation assortie d'un mandat d'arrêt international qui lui interdit de sortir de France. Cette situation personnelle n'est sans doute pas étrangère à ce livre qui dénonce la perversion du sytème financier actuel (on connaît les banquiers bien plus discrets et contenus en général...). Ci-dessous, on j'ai condensé les données que Peyrelevade avance dans ce livre sur le thème de la concentration toujours plus grande des richesses et des capitaux détenus. Il insiste sur l'EFFET DE POINTE des richesses détenues dans le monde et sur la prédominance de la valeur actionnariale sur toute autre considération. o Fin 2003, la capitalisation boursière mondiale était égale à 31000 milliards de dollars, soit 86% du PIB annuel de la planète (36000 milliards de dollars). Les détenteurs directs d'actions possédaient donc un patrimoine boursier représentant la valeur de presque une année de production marchande de toute la planète. o Le coefficient de capital de l'économie mondiale est de l'ordre de 3, ce qui signifie que la valeur de l'ensemble des biens en capital dont la mise en oeuvre est nécessaire à la production planétaire est environ le triple de la capitalisation boursière, soit environ 100 000 milliards de dollars. o Les individus actionnaires possèdent une proportion considérable, à coup sûr supérieure aux trois quarts du patrimoine marchand de l'humanité, c'est à dire l'ensemble des actifs de toutes natures (immeubles, maisons, appartements, valeurs mobilières, liquidités, oeuvres d'art) détenues par des mains privées et donnant lieu à échange marchand. o La richesse boursière est concentrée dans un petit nombre de pays développés : avec 5% de la population mondiale, les EU représentent un quart de la production mondiale mais près de 46 % de la capitalisation mondiale. L'Europe représente environ 25% de la capitalisation boursière mondiale (soit deux fois moins que les EU), le Japon 15%, ce qui fait pour ces trois entités 85% du total ! o Ainsi, on estime que 300 millions d'individus actionnaires (soit 5% de la population mondiale) détiennent la quasi totalité de la richesse boursière de la planète. o Mais cette concentration géographique mondiale de la capitalisation boursière ne représente qu'imparfaitement le tableau réel, car il faut poursuivre d'un cran dans notre décomposition. Dans chacun des pays ou groupes de pays cités, se cache encore une plus extrême concentration des actifs boursiers au sein de la classe déjà restreinte des actionnaires. En France 1% des ménages détiennent presque la moitié du patrimoine en actions du pays. Ceci n'est pas un cas isolé. Au final, il apparaîtrait, selon Peyrelevade, que dix à douze millions d'individus (soit 2 pour mille de la population mondiale) contrôlent en réalité la moitié de la capitalisation boursière de la planète, et sans doute une proportion à peine plus faible du patrimoine marchand de la planète. " Vous avez dit inégalité ? Seuls de tels chiffres donnent à connaître véritablement de quoi on parle " (page 41) o Confirmé par l'étude réalisée chaque année par la banque d'affaires Merill Lynch et la société informatique Cap Gemini, décrivant le paysage des citoyens les plus riches du monde (" high net worth individuals ", ceux détenant plus de un million de dollars en actifs financiers de toute nature). Ainsi en 2004, environ 8,5 millions de ménages disposent d'avoirs financiers s'élevant au total à 31000 milliards de dollars soit 30% du stock de richesses mondiales, chiffres très proche de celui de 10 à 12 millions en détenant 50%. Ces ménages " vraiment riches " détiendraient ainsi un patrimoine moyen de 4 millions de dollars, dont 35% détenus en actions. o A la pointe ultime de cette concentration des richesses, on trouve les " ultra high net worth individuals " ou " ultra riches ", qui détiennent chacun au minimum 30 millions de dollars. Et là, la tribu est ultra restreinte, puisqu'ils ne sont plus que 77 000 ménages sur cette planète (soit moins de 1% des " vraiment riches " !) qui détiennent ensemble pas moins de 15% de la richesse mondiale. o 50% des travailleurs de la planète soit 1,4 milliards de ménages et donc environ 2,8 milliards de personnes, vivent aujourd'hui avec moins de 2 dollars par jour... o LOI EMPIRIQUE DE CONCENTRATION : dans chaque coupe de population d'actionnaires, classée par niveau de patrimoine, les 1% les plus riches possèdent 50% de la richesse totale. o Depuis plusieurs années, la population des " vraiment riches " progresse beaucoup plus vite que celle du globe tout entier, et ceci est encore plus vrai pour les " ultra-riches ". Ainsi la concentration va en s'accélérant... o page 65 : " L'économie d'hier souffrait d'une inflation sur les flux (augmentation des prix des biens produits, augmentation des salaires et des prix des facteurs de production, la conjonction des deux alimentant la spirale inflationiste). Celle d'aujourd'hui, animée par la recherche systématique de la shareholder value, connaît une inflation des seuls actifs financiers : l'envolée des bourses occidentales depuis une vingtaine d'années montre que la valeur du capital ne cesse d'augmenter. Inflation faible sur les flux, notamment salariaux, accroissement rapide du patrimoine des actionnaires, tel est le schéma nouveau ". NOTE: ce point correspond très précisément à la thèse de l'inflation différentiée (une "bonne" inflation côtoie une "mauvaise" -pour les détenteurs de capitaux- avec la complicité des Banques Centrales qui ouvrent les vannes de l'argent facile). Je développe cette thèse dans la page “L'inflation, vite!”...
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Le hold up silencieux. C'est parce que l'argent gouverne le monde qu'il importe de savoir qui gouverne l'argent...
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